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Une flyer collexion

Toutes les collections ont un nom. La collection de flyers de marabouts a enfin le sien : la magopinaciophilie.

De fait, nous autres collectionneurs de flyers de marabouts sommes des magopinaciophiles, et la noble et saine science qui nous occupe est la magopinaciologie.

Pourquoi ce nom ? Discutons-en avec M. Jean Claveret, érudit participant au forum fr.lettres.langue.francaise, et qui a mis à profit sa science des racines grecques pour forger ce nom, à la demande du Professeur MÉGABAMBOU.

Retour au sommaire de la pagePourquoi pas simplement la "maraboutophilie" ?

Le premier mot qui vient à l'esprit est en effet celui de maraboutophilie. Mais ce nom présente un certain nombre d'inconvénients :

Sur ce dernier point, Jean Claveret nous rassure :

"Comme /marabout/ nous vient (selon le Petit Robert) de l'arabe /morâbit/ (« moine-soldat » !), via le portugais /marabuto/, il semble que ce ne soit pas impossible. Du reste les Grecs eux-mêmes adoraient placer des petits o un peu partout, en dépit même de l'étymologie."

Nous voici rassurés. Mais les autres points sont bien handicapants.

Retour au sommaire de la pagePourquoi pas le "publioccultisme" ?

Dans les noms de collections existants, on trouve la publiphilie (collection de publicités) et l'occultisme (divination et occultisme). Pourquoi pas alors le publioccultisme ? Néanmoins, il est surprenant que occultisme [collection] se confonde avec occultisme [sujet de la collection]. Et l'on s'émeut que le nom ainsi formé ne contienne ni "philie" ni "manie".

Le verdict de Jean Claveret est sans appel :

"Le « publioccultisme », c'est de l'occultisme de masse : quelque chose comme la page Astrologie de Télé 7 jours."

Bien, alors laissons tomber le publioccultisme.

Retour au sommaire de la pageAlors pourquoi la "magopinaciophilie" ?

Laissons parler M. Claveret :

"Pour ce qui est du nom devant désigner le loisir du collectionneur de prospectus maraboutiques (et son petit frère, le collectionneur lui-même), je m'en vais essayer de cuisiner quelque chose... Attention ! je sors mon fait-tout et j'enfourne...
Le plus dur (si j'puis dire), c'est le fond de sauce : trouver un équivalent grec à une chose pas du tout grecque -- dans la circonstance :
-- 1° un prospectus ;
-- 2° un marabout.
Pour le marabout, c'est plus simple qu'il n'y paraît d'abord : -- qu'est-ce que c'est, en somme, qu'un marabout ? -- une sorte de guérisseur, envoûteur-désenvoûteur, sorcier. Pour nommer cela, il existe en grec deux mots (entre autres) : /ho magos/ (le mage, le magicien, le sorcier) et /ho pharmakeus/ (celui qui compose des préparations magiques, des philtres, des poisons ; d'où également le magicien, le sorcier). L'inconvénient du second est qu'il présente avec le pharmacien (qui prépare lui des médicaments) une fâcheuse ambiguïté : en grec, le mot est le même ; le premier comporte au contraire une connotation intéressante dans le cas présent : c'est un terme aux résonances exotiques, servant spécialement chez les Grecs à désigner les sorciers orientaux (mèdes et perses) ; pourquoi ne pas l'employer pour désigner nos « marabouts d'origine africaine » ? hein ?
« Prospectus », « carte publicitaire », etc., c'est plus coriace... Les Anciens vivaient très peu dans une société de consommation, leurs boîtes aux lettres, à en juger pas les témoignages qu'ils nous ont laissés et nos fouilles archéologiques, étaient très peu sujettes au bourrage incitatif des marchands ; les colporteurs de journaux gratuits, très rares sur l'agora ; le Parthénon, très peu rehaussé de jolies enseignes clignotantes... Enfin, on peut toujours se débrouiller avec de l'à-peu-près. Après tout, Socrate ne connaissait pas non plus les timbres, ni sans doute les étiquettes de boîte de camembert, et ça n'a pas empêché quelque docte savant de s'acquérir une gloire immortelle en pondant « philatélie » ou « tyrosémiophilie ».
Allons-y donc hardiment. Qui pourraient faire l'affaire, nous avons, en grec, les mots dérivés de /prographein/ (faire savoir par un écrit exposé en public, afficher, placarder), en particulier /programma/ ; l'ennui est que, les Anciens ne disposant pas du papier, tout ce qui pouvait s'apparenter à notre publicité moderne se faisait soit par annonce de vive voix (comme les crieurs d'antan), soit par affichage dans les lieux publics. Aussi, le terme /programma/ désigne moins un objet ou un support précis, que l'inscription publique elle-même. Cependant, je trouve le terme /pinakion/, qui signifie littéralement une « planchette », et par suite la tablette sur laquelle on écrit, le pe
D'où l'on peut former (n'ayons pas froid aux yeux) : /to magopinakion/ ou /to magoprogramma/, le prospectus de marabout.
Après quoi, c'est comme sur des roulettes qu'on barde et ficelle un magopinaciophile (attention au "i", très important pour distinguer l'amateur de prospectus de marabout de l'amateur de *tableaux* de marabout...), ou si l'on craint trop le risque de confusion (et la sonorité du mot) :
magoprogrammatophile, avec lequel on gagne une syllabe, ce qui n'est pas négligeable.
Ça vous pose un homme, ça, magopinaciophile, et magopinaciophilie, ce n'est plus qu'un simple passe-temps, c'est majestueux, c'est grandiose !"

Merci à M. Claveret pour cet exposé imparable. Préférons avec lui le "magopinaciophile" au "magoprogrammatophile", car dans ce dernier mot, le "-programma-" évoque trop (aux oreilles d'un inculte) la programmation, le programme (informatiques).

Quant à "mago-", ledit inculte pourra y voir un rapport avec le "magot" qu'est censé amasser le marabout sur le dos de sa crédule clientèle - ou celui qu'espère obtenir le client par l'intervention du marabout.

Retour au sommaire de la pagePourquoi le grec plutôt que le latin ?

Pour ceux que la question fascine, on peut aussi demander pourquoi forger le mot à partir de racines grecques plutôt que latines. M. Claveret répond :

"La raison de cela, c'est que le grec est, un peu comme l'allemand, une langue où l'on forme très facilement des mots composés : elle dispose de tous les moyens nécessaires à cela, de toutes les libertés, et les Grecs se font un plaisir de forger (et dériver) des mots à tout-va (ce qui ne fut sans doute pas pour rien dans le développement de la philosophie grecque). Cette faculté est si grande que les comiques grecs prirent l'habitude de se moquer des « grands mots de dix pieds de long », donnant eux-mêmes naissance, pour rire, à des monstres fantaisistes tels que /skotodasypyknothrix/, « une tignasse aux poils sombres, épais et serrés » ou /torneutolyraspidopêgoi/, « manufacturiers-en-serpents-de-farine-tournée ». Vous voyez donc que l'on n'a pas à avoir de crainte ni de scrupule excessifs au sujet de nos forgeries modernes : l'esprit du grec n'y est point trahi (ou du moins pas dans le principe).
Le latin est, comme le grec, langue savante, et il présente quelques préfixes, suffixes et racines commodes pour former des composés ; en outre il est bien plus proche du français, qui est issu de lui. C'est pourquoi on a été tenté de lui emprunter des éléments pour farcir nos doctes néologismes. Cependant la langue latine est infiniment moins encline à la composition de mots (les philosophes latins, émules des grecs, avaient coutume de s'en plaindre) ; les rares mots latins composés sont des archaïsmes, des mots poétiques, d'ailleurs souvent inspirés du grec. Il est donc, pour cette simple raison, délicat et discutable de s'essayer à faire des composés 100 % latins (ne serait-ce que par respect pour la mémoire du grand Cicéron).
Quant à faire de monstrueux bâtards de grec et de latin, par paresse, mépris des langues sacrées, généralement en se gaussant du sens exact des éléments et des règles de composition, c'est tout bonnement odieux ! c'est... c'est scandaleux ! C'est un peu comme si l'on s'amusait (tristement) à mêler de l'anglais et du français dans un même mot (c'est bien pire en vérité)... C'est bassement utilitaire, et cela manque d'élégance. (Dans le même genre, il y a cette habitude anglo-saxonne de tronquer les éléments du composé, pour pouvoir plus facilement les souder (et abréger le monstre) -- c'est le mot-valise ; il y a là-dedans je ne sais quel crime de lèse-langage, je ne sais quel sacrilège... mais je ne m'étendrai pas sur cette question).
Encore une fois, quand on veut se forger un joli talisman (car il n'y a guère d'autres raisons d'aller piocher dans les langues antiques pour sanctifier nos nouveautés), il convient de le faire avec toute la religiosité qu'un tel escamotage exige."

Retour au sommaire de la pageComment dirait-on "magopinaciophile" en latin ?

"« Quel pourrait être l'équivalent de "magopinaciophile" en racines latines ? » -- Je dirais quelque chose comme : /is qui magorum libellis undique contrahendis delectatur/ ; soit à peu près : « celui qui se plaît à collectionner les prospectus de marabout ». Avouez que c'est moins concis que le grec (et ne parlons pas du nom du loisir...) ; mais au moins ç'aurait pu être, sans doute, compris par un Romain (préalablement briefé au sujet des prospectus et des marabouts, cela va de soi)... Autre possibilité : employer le mot grec, transcrit en latin /magopinaciophiles/ (ce qu'un Latin [j'ai omis la majuscule] n'eût pas manqué de faire, à n'en pas douter.)"

En effet, la version grecque semble un mot enfantin comparé à son équivalent latin.

Merci encore une fois à Jean Claveret pour l'ensemble de ce travail étymologique.

Retour au sommaire de la pageLa presse unanime

La presse a unanimement adopté ce nouveau vocable bien ronflant, lui donnant du même coup une crédibilité incontestable.

Courrier de l'Atlas

Libération

Le Vif - L'Express

La Magopinaciophilie a désormais sa propre page Wikipedia.

Retour au sommaire de la pageD'autres noms de collections

Des burettes d'huile aux mignonnettes de boisson, en passant par les étiquettes de melons, les tabatières et les batteurs à oeufs, sans oublier les balles de fronde (la glandophilie [sic]), les images pieuses et les boîtes de sardines... Des listes de noms de collections sont disponibles sur d'autres sites, à voir dans la rubriques Liens maléfiques.